mercredi 13 juin 2007

Hola, Chicas de Paris

"Ca sent le phoque" - c'est la première chose qu'on s'est dite en rentrant dans le dortoir de l'auberge, essences viriles et opaques du mâle ensommeillé, un coup de massue en pleine face. Ca sent le phoque. Le temps pour nos yeux de s'habituer à la pénombre, on a identifié le phoque, aka la source des essences: un volume sous un drap, en haut du lit superposé, une tête blonde qui remue à peine face à notre arrivée tonitruante. Quelques heures plus tard, il s'appellera Jonathan, Etats-Unis, 19 ans. Il sera en caleçon devant moi, ou planqué dans un escalier pour embrasser A-C. une nuit où il aura fait trop chaud.

Il y aura ces nuits en boîte aussi, des nuits à remuer du déhanché sur des remix étranges, à lorgner les gogo danceuses ou les paillettes du travesti sur le podium. Ces nuits où je me sentais un peu pataude, à repousser sans cesse des mains baladeuses, des lèvres encombrantes, des braguettes qui se frottaient à mon jeans sans lui demander son avis. Parfois, dans ce grand bain de chaleur, de décibels et de proximité forcée, un peu de dégoût, un peu de fatigue -alors on sortait prendre l'air un peu, ou plonger ses mains dans le sable sur la plage. Le ressac de la mer, et Benny Benassi dans le fond. Satisfaction.

La plage. La plage où G. s'est fait voler son sac le premier soir, au petit matin -sortie de boîte difficile. Dedans, passeport, argent, portable. Quart d'heure de désolation générale avec les autres, ah quand même c'est idiot. Mais la dernière fois que t'avais ton sac G., c'était où? Et t'es sûre de ne pas l'avoir perdu là quelque part? T'as bien regardé? C'était où exactement sur la plage? Et y avait beaucoup d'argent dedans? Après s'être bien désolé, ça s'est fini dans l'eau, bain de minuit pour tous histoire de noyer le chagrin. Je continue à râtisser la plage. G. aussi. On interroge les types louches, on fouille les poubelles, longues allées et venues sur le sable, jambes fatiguées, yeux qui se ferment, et les cris des autres, dans l'eau. Si vous voulez voir de la fesse, c'est maintenant!

Après le soleil a commencé à se lever, les fesses à se dévoiler, c'était le jour qui tombait sur les faces trop maquillées et les mini-jupes sur le sable. G. et moi, on est parties au commissariat, à pied, en silence. Une heure à marcher en silence. G. a dormi un peu dans la salle d'attente, et puis on nous a fait remplir des papiers. Elles avaient quelle valeur, tes lunettes? Quelle marque? Quel modèle, ton téléphone? A la fin, on se relayait, elle répondait à mes questions, et je transcrivais sur les formulaires. On est rentrées à l'auberge à l'heure du petit-déjeuner. Dodo.

Au réveil, chaque matin, il y avait la surprise du qui-dormirait-à-côté-de-nous. Au fil des nuits, on a vu des Américains solitaires partis pour un tour d'Europe, ou un couple de Brésiliens angoissés à l'idée de visiter Paris ("Is that true that Parisians don't speak English to foreigners, just because they want you to speak French?"), ou des anonymes sans langue ni visage. Au réveil, il y avait aussi les exclamations d'A-C devant la fenêtre. Il fait cheum' sa mère la pute! Ou de G., devant un joli haut d'A-C: Bâtaaaard. J'le veux. De quoi me tirer du sommeil avec le sourire.

Le sourire encore dans les rues, les odeurs des tapas, sardines marinées, tomates séchées, piments à l'huile. A-C qui parle trop fort sur la rambla, "Non mais vraiment, j'appréhende le jour où j'me retrouverai face à un pénis non-circoncis!". Une passante se retourne, la bouche en coeur, et l'éclat de rire pendu aux lèvres. Les étals des marchés avec des couleurs qui sautent au visage et font déteindre les Polaroïds. Je me serais bien fait de grandes orgies de soles et de légumes grillés, mais je n'avais plus un sou dans le porte-monnaie, déjà assez mince pour moi toute seule, mais carrément sous-nourri pour entretenir G. et moi, deux filles en goguette en Espagne pour quatre jours. Faire ma pute? Je n'avais même plus de quoi m'acheter un string. Diète forcée, donc. Au fond, ça ajoutait du piquant à l'histoire: on découvre tellement mieux Barcelone quand on n'a plus que trois euros en poche.

Quatre jours plongée dans un grand bain d'insouciance intellectuelle. Raymond Aron est resté au fond de ma valise. Ca fait un bien fou, parfois.

[Louis Armstrong - As Time Goes By]

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Que c'est bien écrit !

MERCI. Un giganstesque merci.

Je l'ai attendu de puta madre mais ça en vallait la peine. Ca me ramène à cette ville bruillante et mystérieuse... Je l'aime.
T'as oublié l'épisode sur mon futur mari. D.M. T'as oublié les shots qui ont failli nous tuer. T'as pas oublié dit ?!

C'était chouette hein ? Avec Victor et ses calçons laids, le jus d'abricot à 1€15 et le cacolac (je tiens à dire à tout le monde ici que B. ne connaissait pas le cacolac =D)

Je t'aime fort B. I swear. Même si tu sais pas qui est M. Pokora, le roi de R'n'B frenchy (bien sûr que ça existe le R'n'B frenchy !)

Merci d'être là.

Merci pour ce post, même si j'ai honte de dire tout le temps "bataaard" !...

Mille milliard de millions de bisous.
La prochaine fois, je vous fais découvrir Rome !

Hector, esta noche, te recojo... Brrrutalmente !!


Xoxoxoo................

Bé. a dit…

Mon Dieu, ces shots! Impossible à oublier pour sûr. L'orgasmo escandoloso, bien mais pas top. Mais alors les suivants... Les Harry Potter... Avec les flammes, le sucre brûlant, l'orange qui pique la langue... Mais celui qui m'a achevé, c'était celui avec le coup des trois pailles, là... Ca m'a brûlée de l'intérieur, for sure. Et est-ce que j'ai parlé des Bloody Mary? Des Hot Lime? Du vin allemand? Tsss...

Je tiens à tout dire tout de même que j'ai volontairement occulté les multiples jus d'abricot & autres cacolacs: ils m'ont fait prendre 800 grammes. En quatre jours. Fallait bien que je prenne ma revanche. C'est fait.

M' Pokora, je l'avais déjà oublié, celui-là. Merde, je ne me souviens même plus d'une seule de ses chansons. Pfff... Je suis irrécupérable.

Anonyme a dit…

Mwahahaha ! Moi j'en connais que deux, t'es pardonnée ! Ca fait "J'veux voir ttes ls mains levées, c ma voix tu la connais, g atrappé le son qui bouge, c'lui qui fait jumper la foule"... C'est assez... heu... Culte de la perso non ? ^^ Et l'autre c'est "Tu es ma number one baby, je te suis jusqu'au bout"... Heum. Stop. Faudrait ps q les gens me méprisent plus qu'ils le font déjà ^^ Et la banqueria et le calamaris ? Bon j'arrête d'envahir cette page de souvenirs mais Gosh, en 4 jours, que de moments inoubliables ! (et moi aussi g grossi......... ms je minci vite là je mange plus :) ça contre-balance l'effet)

Bé. a dit…

Oui, bon, je n'ai rien loupé, quoi. Mais je pourrai dire, désormais, "Je connais M Pokora". Les portes de la gloire.

Itou pour moi: aux chiottes, le kilo en trop. Il est parti aussi vite qu'il est arrivé, tout penaud qu'il était. Bon, il en reste combien...?

Anonyme a dit…

Ihih ! Moi j'en ai entre 5 et 6 à perdre, d'après aufeminin.com...! Pfiouuuu... la flemme ! On en reparle cet été, quand il fera trop chaud et qu'on sera trp occupées pr avoir l temps de manger ^^

Anonyme a dit…

moi zaussi ze voudrait te raconter mon barcelone
c'est oune histoire épique
entre gaudi, la horschata et
Barceloneta parano...

la pluie...
la grande pluie de barcelone
qui a tout arraché !

moi aussi j'ai dansé sur les podiums
(woo hoo !)
pendant que mes amies sympathisaient avec le gogo-dancer
sur "don't you know her kiss is perfection" de shakira
j'ai du attendre 3 mois pour l'enlever de ma tête !

(c'est aussi là que j'ai entendu le fameux pump it up sur la musique de Pulp Fiction, et que j'ai pu comprendre le sketch de Gad...)

ciao !

Bé. a dit…

Aïe aïe, mon manque de culture m'obstrue définitivement les portes de la compréhension. Je connais Shakira, mais pas cette chanson. Je connais Gad, mais pas ce sketch. Irrécupérable, j'vous dis.

Et avais-tu vu le Musée Dali, Noam, à Barcelone...? il vaut le détour: dessins de Don Quichotte, de Hamlet, des dizaines d'esquisses de chevaux, et toujours le même trait nerveux, dessiné, redessiné x fois... Quelques sculptures aussi, des visages gravés dans la glaise... Non vraiment, le ticket d'entrée coûte cher, mais les 8 euros ne restent pas en travers de l'estomac.

Ah, et Barcelone, c'est aussi là que j'ai, pour la première fois, dansé sur un podium... MAIS: circonstance atténuante, c'était pour retrouver une amie perdue. Qu'on a fini par retrouver, dehors, emballant un jeune éphèbe... Tsss.